Au fil du temps

Quittant « le Fleuve Dalzou », un lourd chariot, attelé de deux bœufs, deux beaux Salers roux, et mené par deux hommes, remonte péniblement la côte. Il vient de passer le gué « lo badu de las vacas » et a longé l’emplacement de l’ancienne ferme gallo-romaine prés des futurs hameaux de La Vidalie et de La Gineste.

 

Nous sommes en l’an de grâce 1015 et ce paysage qu’ils traversent est celui de Brandonnet. Ils suivent le très ancien tracé des routes gauloises, puis romaines, dont l’une traverse le grand hameau de Loudes, non loin du bourg. Elles mènent vers les mines où l’on trouve depuis l’époque gallo-romaine du cuivre, du plomb, du fer, de l’étain et même de l’argent.  « La route ruthénoise, le vieux chemin de Villefranche à Rodez, de nos jours la départementale 47, qui se confond par delà les siècles et même les millénaires avec la voie romaine de Cranton à Cos prés de Montauban »(1). L’un de ces « camins romans » traverse la rivière Aveyron par le beau pont gallo-romain du Cayla et mène vers La Bastide l’Evêque, créée en 1280. Partout des traces de cette occupation romaine. Les implantations des anciennes « villae » sont devenues villages au nom en « ac », tel Privezac à 6 km de Brandonnet.

 

Déjà depuis la Préhistoire ce beau Rouergue a conquis les humains. Les Ruthènes (peuplade du Pays de Rodez) y gravaient d’admirables menhirs. Les brandonnetois, eux, défrichaient les forêts pentues de l’Aveyron et profitaient de la douceur des vallons de l’Alzou, la petite rivière sœur de la première.

Mais en ce 11e siècle nos deux « pagès » (paysans) rouergats marchent en se racontant peut-être les terribles histoires vécues par leurs ancêtres au 8e siècle : les incursions des Maures et le siège de La célèbre citadelle de Peyrusse-le-Roc par Pépin le Bref ! Les voici qui arrivent au petit village : peu de maisons mais quand même deux églises dit-on ! (2) Une seule subsistera jusqu’au 21e siècle, au centre du bourg.

 

 

CARTE DE BRANDONNET - carte de Cassini, entre 1756 et 1815

 

    Quittons le 11ème siècle en nous demandant quelle est donc l’origine de ce nom millénaire : Brandonnet. L’emplacement de quelques maisons et de lieux de prière, païens puis chrétiens, sur une « petite brande », endroit broussailleux (genêts), durement défrichée à la main ? Ou bien l’installation d’un chef agriculteur wisigoth nommé Brando? Ou encore un lieu en rapport avec « les brandons », évoquant le travail des mines, pour la première transformation du minerai par le feu. Il y a des vestiges de ces mines à Brandonnet, sous le hameau de l’Estibie.

 

Jusqu’à la fin du 19e, notre commune était une paroisse rattachée à Maleville, cité millénaire, propriété du Comte de Rodez, et aux nombreuses légendes. C’est une histoire séculaire de disputes et bagarres entre le roi, l’Eglise et les seigneurs, autour des revenus miniers ! Point d’or, mais si précieux les métaux !

Les habitants de Brandonnet – Maleville sont fiers au 12e siècle de voir leur seigneur Estève da Malavilla devenir commandeur du Temple à Drulhe. Les templiers régissent leurs domaines depuis Sabadelle, sur le territoire de Maleville.

Mais c’est aussi l’époque des cathares…. Durement furent punies les familles nobles de Morlhon - Maleville ! Et les habitants de la région, donc ceux de Brandonnet, furent affublés en ce 13e siècle du surnom de « patarins », horribles hérétiques !

 

Cependant et avec constance les paysans développent l’agriculture, vont vendre leurs bovins, volailles et divers produits de leurs fermes à Villefranche de Rouergue fondée en ce même 13e siècle, par ordre du Comte de Toulouse. 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Courageux rouergats : vers la fin du 14e la région est bien menacée par les anglais, le Rouergue sera un temps possession anglaise, vive la Guerre de cent ans! Et tous craignent les incursions des terribles routiers. Il avait aussi fallu survivre à l’horrible peste noire de 1348. Quelle époque ! Et au 15e siècle donc… re- peste noire et en prime d’incroyables sécheresses. En 1588 voilà que les guerres de religion font rage et que cette année-là les protestants investissent Maleville et la rançonnent. (3)

 

Plus gaiement, dans le hameau de Pargazan, sur la haute colline qui surplombe Brandonnet, se dresse au 16e siècle une sympathique auberge. Où l’on discutait du quotidien paysan. Et où l’on commentait les terribles révoltes des croquants et les épidémies récurrentes vécues pendant le 17e siècle. (4). Rien de nouveau en Rouergue en ce 18e siècle ? Non, seules sont variées les taxes, grain, bêtes, récoltes, à remettre aux seigneurs de Maleville et à ceux de l’Eglise ! La moitié de la population de la paroisse est vraiment pauvre, pourtant l’entraide règne.

 

Mais arrive la Révolution et là les rouergats expriment assez fermement leurs désaccords avec les percepteurs et autres maîtres de l’époque ! Ici on raconte pourtant qu’on tenta de sauver un prêtre réfractaire, enfant du village.

Malgré les bouleversements politiques les familles de Brandonnet continuent de traverser les grandes époques de l’Histoire au rythme de la terre nourricière… ou avare. Au 19ème siècle des famines règnent sur l’Aveyron. Il faudra attendre l’arrivée du chemin de fer qui apportera enfin les produits nécessaires pour amender les sols acides.

 

Le Rouergue se développe, l’élevage aussi. Les habitants, quand ils n’ont pas émigré, déjà depuis le 18e siècle, vers les Amériques, ou Paris, vivent mieux, les enfants sont nombreux !

Fiers de leur passé, les brandonnetois s’occupent de politique et décident de leur avenir. En 1874, Brandonnet, après quelques péripéties, obtient son détachement de la commune de Maleville et devient commune à part entière : 1222 hectares bordant l’Alzou et bordés par la belle rivière Aveyron.

En 1865, dans le bourg, un petit couvent tenu par les sœurs de Saint-Joseph assurera l’école. Puis une belle école publique sera installée dans le cœur du village qui compte plusieurs commerces et artisans. La population est importante au 19e : plus de 800 habitants.

 

 

La Première guerre mondiale viendra faucher trente-cinq fils de la commune. On compte encore plus de 600 habitants. Les changements de politique agricole, les départs, ramèneront cette population à 320 habitants aujourd’hui.

En 2015 notre commune compte un bourg et 52 hameaux, des « villages », et lieux dits qui sont à nouveau de plus en plus habités.

Parmi les enfants de Brandonnet qui ont écrit l’Histoire nous pouvons citer Gérard Bonnet, né ici en 1944, maire de la commune (1977-1983), homme politique, Président du Conseil Général de Corrèze (2012) et Maurice Andrieu (1933-2011) médecin devenu chantre de l’Occitanie, écrivain, poète, historien, homme de radio et de télévision.

 

 

(1) Maurice Andrieu

(2) citées en 961 dans le testament du Comte du Rouergue.

(3) Quelques rares familles protestantes recensées sur Brandonnet…..

(4) Il y a eu plusieurs auberges, une au Cros, aux Calvetteries…. Et dans le bourg.

Documentation : textes de Maurici Andrieu.

« En Rouergue avant 1914 » de Roger Béteille.

« Montbazens. Al canton » de Christian-Pierre Bedel.

Merci aux « amis de Maleville » pour leurs informations. Merci aux brandonnetois pour leur aide, et pour les belles images du passé qui honorent nos anciens. Merci aux photographes, à Serge Labrousse……….